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Confinement & Etudiants en psychologie sans stage (Mai 2020)

Confinement & Etudiants en psychologie sans stage (Mai 2020)

Chers étudiants,

Il y a quelques semaines, je postais un message sur les réseaux d’étudiants en psychologie. Ce message se voulait être une petite bouée de sauvetage à l’attention des jeunes pousses de psychologues qui arpentent les bancs désertés de la fac. Mon idée était de mettre (mon peu) de temps libre à disposition des étudiants qui sont à la recherche d’une identité professionnelle et qui se retrouvent confrontés à la solitude du confinement.

Tout comme eux, j’ai été une apprenante, je le suis toujours et je le serai tout au long de mon parcours professionnel.

Je garde un souvenir très fort des psychologues bienveillants que j’ai rencontrés sur ma route d’étudiante (et de psy). Je ne les remercierai jamais assez d’avoir alimenté le moulin de la psychologue que je suis devenue, aussi jeune, naïve et arrogante que j’ai pu avoir été (et que je suis toujours). Et malheureusement, je me souviens aussi trop bien de ceux qui ont eu des attitudes humiliantes, attaquantes voire toxiques contre lesquelles le statut d’étudiant ne protège pas, voire… soumet.

Dans cet article, j’élabore une réflexion autour de la violence qui entoure notre profession et de certaines réalités de terrain. Je propose également aux étudiants de se projeter au-delà de la période de confinement en vous expliquant ce qui favorise, à mon sens, une belle synergie maître de stage/étudiants. Et ce afin de bien cibler vos recherches à l’arrivée du déconfinement progressif.

Mon regard de psychologue de terrain permettra de répondre à certaines de vos interrogations d’étudiants. En parallèle, cette réflexion pourrait ne pas parler à d’autres professionnels tant nos vécus et expériences à tous, peuvent être différents. Mais comme tout ce que je propose à travers mon contenu, vous prenez ce qui vous convient !

Mais où sont les instances universitaires en ce temps de confinement ?

Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les réactions à cette proposition d’aide furent… extrêmement nombreuses ! Tout autant de messages me remerciant de tant de considération. Et pourtant, je ne proposais que des miettes de pain… C’est dire à quel point l’angoisse doit être massive dans le rang des étudiants, et je compatis, car moi aussi, j’ai été une étudiante au parcours incertain.

Par la suite, au vu des questions reçues, je me suis demandée comment les facs s’étaient organisées pour mettre à disposition des outils efficaces pour ne pas laisser errer les étudiants dont ils ont la formation en responsabilité. Et puis, j’ai vite compris que comme chaque institution étatique, elles avaient fait comme elles avaient pu, dans l’urgence d’une crise sanitaire inédite.

Dans certaines situations, des étudiants se sont retrouvés dans l’impossibilité de rechercher un stage. D’autres, se sont vus arrêter soudainement leur stage. Et dans de rares cas exceptionnels, des étudiants ont été remerciés ou refusés brutalement en étant accusés de naïveté, d’autocentrisme, d’hypersensibilité, etc. En cette période de confinement, leur réalité se confronte à celle de leur potentiel maître de stage, très certainement lui aussi pas très… serein. (Nous sommes humains avant tout, les situations anxiogènes n’épargnent aucun d’entre-nous).

A mon sens, il n’aura pas fallu ce confinement pour commencer à entendre ce genre d’histoires violentes où colère et incompréhension se mélangent. Tant du côté de l’étudiant qui ne reçoit pas toujours de retour adéquat à ses demandes de stage que de celui du maître de stage qui s’agace face à ce qui pourrait passer pour de la candeur.

Mais dans notre monde de bisounours à la recherche du mieux-être psychique, par où cette violence est-elle entrée ? Est-elle seulement due à cette ambiance apocalyptique ? Oui et non.

L’université, un milieu où se reproduit et se transmet la violence.

Alors que le métier de psychologue a pour vocation d’accompagner les personnes en détresse, les milieux universitaires qui forment les futurs psychologues sont paradoxalement loin d’être tendres avec ces derniers.

Stress, anxiété, dépression… d’une part mais aussi injonctions insensées, manque de communication, goût pour la compétition, malveillance, jugement… Non, il ne s’agit pas d’un tableau clinique mais bien d’une description d’un milieu estudiantin, éloigné d’une ambiance bienveillante. Alors exit les odeurs agréables d’huiles essentielles de lavande et le doux son des bols tibétains, si certains étudiants en psychologie ne vivent pas bien leurs études, ceci ne me surprend pas. Même si statistiquement la population des étudiants en psychologie comporte une grande part d’individus en situation de fragilité, il n’a jamais été justifié ni légitime pour un milieu détenant tant de savoir en psychologie humaine d’être aussi violent.

Les psys entre eux, un univers ni empathique, ni sympathique, où les individus crèvent la faim.

Je vous vois venir.

Et si toute cette réalité n’était que ma réalité d’ancienne étudiante décodée sous mon prisme personnel. Et si tout ceci ne témoignait que de mon rapport à la violence envers mes pairs ? C’est une possibilité même si je pense sincèrement lever un voile sur une réalité. Dans tous les cas, si vous y reconnaissez quelque chose de familier alors tout ceci vous parlera.

Toute cette violence… N’y voyez-vous pas un écho dans les guerres incessantes de chapelles, où les psys se battent sans relâche pour faire valoir leur obédience respective ? Bataille incessante entre psychanalystes, comportementalistes, attachementistes, systémiciens, humanistes, existentialistes et j’en passe.  Qui ne cessent de clamer que leur approche est celle qui soigne le mieux

Où est la compassion ? Où est la bienveillance et le respect de nos confrères dans ce milieu qui est pourtant doté des meilleures intentions du monde ?

Nous exerçons dans un milieu où les postes en salariat sont rares et où la précarité est reine. De ce fait, la concurrence est rude et tous les coups semblent devenir permis pour… survivre. Notre dureté parait donc légitime. Mais comment briser le cercle vicieux qui nous mène à tant de violence ?

Le fait est que la malédiction de la transmission par la violence peut (et doit) cesser.

Etre nourri au grain de la bienveillance permet de construire des professionnels solides et confiants. A leur tour, ils pourront porter des connaissances crédibles dans les milieux psys et au-delà. Car à l’extérieur, il y a le monde et la réalité !

En d’autres termes : il y a ceux qui créent… de l’emploi ! J’entends par là l’Etat, les associations, les entreprises mais aussi les particuliers en souffrance qui cherchent à nous consulter dans nos cabinets libéraux. Dans ce monde, l’offre de soin psychique est souvent floue et mal comprise tant il y a de professionnels incapables de se fédérer pour transmettre un message, qui est pourtant le même peu importe le courant théorique : la santé mentale !

Alors, à toi le psychologue en devenir ou le psychologue tout court, je tiens à te rappeler que les institutions et le grand public sont prêts à payer les professionnels qui parlent et comprennent leur langue. Et tant mieux si ce sont les psychologues !

Mais dans ce tableau, il n’est pas rare que les psychologues se fassent doubler par ce qu’on appelle les « Ni-Ni » : les « ni psychologue », « ni psychiatre ». Ces experts en « personal branding » qui se proclament psychopraticiens, psycho-énergéticiens, psycho-marabout-machinchose… en mettant en avant une grande humanité et une profonde sensibilité. Néanmoins, si ces deux vertus étaient suffisantes pour exercer le métier de l’écoute empathique et thérapeutique alors, nous ne nous fatiguerions plus à étudier la psychopathologie, la psychiatrie, les statistiques, la biologie, l’éthique, etc. pendant au moins cinq années. Toutes autant de sciences qui permettent de ne pas tomber dans l’écueil de l’amateurisme (et par la même occasion, de ne pas blesser les gens).

Pour rappel, le titre de psychologue nécessite au moins 5 années d’études à l’Université et au moins 500h de stage pratique !

Pour les étudiants, un état des lieux des réalités de certains psychologues.

Voici quelques pistes pour que vous puissiez apaiser votre colère ou incompréhension face à une absence de réponse à une demande de stage ou parfois des refus vécus violemment.

Une fois en poste, j’ai rapidement réalisé que le milieu universitaire ne préparait en rien à la réalité de terrain. Oui, nos facs françaises peuvent être considérées comme pôles d’excellence en termes de recherche scientifique mais son accompagnement vers le marché du travail est… inexistant. (J’espère ne pas faire une généralité, néanmoins lorsque je constate que certains psys en poste depuis des années ne savent pas ce qu’est une convention collective, j’ai bien mal à mon petit cœur).

Comment l’université prépare-t-elle nos jeunes professionnels à trouver un emploi et à faire face à la violence d’être un psychologue parmi le reste du monde des humains ?

J’ai très vite compris que pour paraitre pertinente auprès de mes employeurs et de mes collègues, je devais leur résumer en 5 minutes (le temps qu’ils pouvaient m’accorder) ce que j’avais moi-même mis des années à comprendre et ce alors que nous parlons de complexité humaine. Ces personnes avec qui nous sommes amenés à collaborer, dédient leur vie à d’autres choses que la psychologie humaine. Et même si toutes les relations humaines sont déterminées en partie par la psychologie, ceci reste du domaine de la haute expertise : la nôtre ! Oui, vous êtes des (futurs) experts, ne l’oubliez jamais et ce… même si parfois vous en doutez.

Alors il n’est pas rare qu’une fois sur le terrain, nous les psychologues, passions pour des extra-terrestres, des « casses-bonbons qui se posent beaucoup de trop de questions » (c’est violent mais c’est du déjà entendu) tant nous poussons la réflexion et l’éthique loin, trop loin pour certains. Et dans un autre registre qui reste également peu confortable : lorsque nous sommes jeunes diplômés en poste, tout l’enjeu est de se construire face aux attentes (parfois fortes) de nos employeurs alors que ces derniers s’acharnent à supprimer le temps FIR (ou tout autre chose qui y ressemble). Ce temps FIR, pourtant gardien de notre veille professionnelle et de notre pertinence en construction.

Et voilà comment des psychologues, parfois seuls représentants de leur profession sur les institutions, se retrouvent à perdre du temps à lutter contre les individus qui ne comprennent par leurs missions. Ils se voient donc parfois imposer des pratiques qui ne sont pas les leurs (celles d’encadrants, d’assistante sociale, d’éducateur, d’animateur, de secrétaire…).

Beaucoup d’individus sont aujourd’hui à la recherche de « psychologie appliquée » aux souffrances de la vie et non de psychologie théorique complexe. L’enjeu pour un psychologue sera donc d’apprendre la langue du non initié et de faire des propositions thérapeutiques (ou autres dispositifs) en étant accessible au grand public. Et tout cela, sans tomber dans la vulgarisation qui supprime toute la subtilité de notre art. Dur équilibre donc entre théorie et pratico-pratique !

Alors qu’étudiants nous combattions la violence et la dureté du milieu universitaire, une fois diplômés, nous nous retrouvons confrontés à l’absence de travail. Et quand par chance nous en trouvons un, il nous faut lutter contre plusieurs choses : les injonctions paradoxales des systèmes institutionnels, les personnalités difficiles de nos collègues, de nos supérieurs, de nos partenaires et nos propres fragilités, les situations de pandémie internationale… tout ceci sans oublier nos patients et les étudiants… et malheureusement, les étudiants sont souvent la variable d’ajustement.

Mais rassurez-vous, cette réalité commune à beaucoup de psy, n’est heureusement pas celle de tous… et heureusement ! Consolez-vous, le métier que vous avez choisi est un métier qui pousse à la métamorphose, en permanence… pas toujours confortable mais l’issue peut être profondément épanouissante !

Moi, psychologue et maître de stage. Toi, étudiant et gardien de ma veille professionnelle.

Attention, toute mon expérience de maître de stage m’est propre et unique. Mais prenez-y ce qui vous correspond et vous y trouverez un maître de stage à votre image !

Depuis que j’exerce, mon attitude de tutrice de stage à évoluer.

Très vite, dans ce marasme que pouvait représenter mon travail en institution, j’ai perçu le stagiaire comme un allié contre la charge mentale que représentaient toutes mes missions. Un échange donnant-donnant : le stagiaire m’apporte le calme et la nécessité de ralentir. Il me permet de rester éveiller aux problématiques qu’apportent la clinique par son regard neuf et nourri de théorie. Pour peu qu’il soit sensibilisé à une autre approche que la mienne, alors à deux, nous constituons ce que j’aime appeler « une machine intégrative à penser ». De quoi améliorer mon efficience au chevet de mes patients, et nourrir un étudiant d’éléments qu’il n’apprendra jamais à l’université : ceux de la réalité !

J’ai été heureuse de proposer des stages (la plupart du temps).

Ils ont été très épanouissants pour moi et j’espère que pour mes stagiaires aussi (si vous passez par-là, coucou). D’ailleurs, deux de mes stagiaires, une fois diplômées, m’ont remplacée durant mes congés maternité.

Une liste des éléments que j’ai appréciée chez celles et ceux à qui j’ai pu transmettre une part de ma pratique :

– Une candidature personnalisée : « A l’attention de Madame N., la psychologue qui bosse dans cette institution précise ».

– Une curiosité infinie : un stylo, un calepin et une tonne de questions tout le temps !

– Un intérêt pour ma pratique mais également pour le système dans lequel j’exerce. 

– Un peu de bouteille pour appréhender les méandres de l’adversité est toujours un plus.

– La capacité à « courir » vite… voire très vite,

– Leur très grand respect pour la population que nous accompagnons (ça parait être une évidence mais non).

Dans les situations où le stage a été compliqué pour moi (comme pour l’étudiant que j’ai reçu), voici ce qui m’a posé problème :

– Le stagiaire avait été imposé par la direction et n’avait pas d’intérêt pour la population proposée et, même arrivé par hasard, il n’a pas su y trouver d’intérêt.

– L’absence de considération pour ma pratique, mes remarques et mes éclairages (oui, il y a des étudiants comme ça et heureusement ils ne sont pas majoritaires).

– L’absence de recherche sur les problématiques de la clinique rencontrée. J’apprécie qu’un étudiant prenne des initiatives aussi peu assurées soient-elles, tant qu’elles se construisent avec intérêt pour la population qu’on cherche à soutenir.

– L’absence de travail personnel permettant de dissocier ses propres problématiques de celles des patients (trop de projections tuent la relation).

– Le manque de reconnaissance pour le travail pluridisciplinaire et pour les autres métiers.

– Les décolletés pigeonnants et les couronnes de fleurs hors contexte.

Tout ça, c’est en temps normal. Et en période de confinement ?

La Terre entière s’est arrêtée de tourner pendant plusieurs semaines. Un grand nombre de mes confrères en libéral sont au chômage forcé ou s’efforcent de maintenir des consultations avec de nouveaux dispositifs qu’ils doivent s’approprier. Et ceux dans les institutions travaillent soit au ralenti, soit croulent sous les demandes pleines d’angoisse que représente cet événement mondial et inattendu.

Si pour dédramatiser, un petit mantra tout droit tiré de la phénoménologie, type « nous ne sommes qu’un grain de poussière dans le système solaire » ne vous suffit pas, très bien ! Passons à la suite.

Les temps n’ont jamais été aussi propices aux TCC que vous le vouliez ou non. Méditez, relaxez-vous… Nous croulons sous les ressources documentaires et les informations en tout genre sur TOUS les réseaux existants, instruisez-vous !

Et je pose ça là comme ça :

Les associations d’écoute téléphonique fleurissent et les pratiques en téléconsultation se développent comme nous n’aurions jamais pu le soupçonner.

– Les psychologues en poste vont avoir besoin d’outils pour faire de la prévention face aux nombreux stress post-traumatiques que va générer l’après-confinement.

– Les violences domestiques, elles, explosent en l’absence de lieux ressources telles que les écoles ou les différentes institutions de soutien.

– Nous pouvons facilement imaginer la lourde tâche qui attend les psychologues de l’éducation nationale qui vont devoir alimenter le moulin d’enseignants anxieux à l’idée du déconfinement progressif. Ici aussi, cette nouvelle situation génère de quoi penser.

– Les EHPAD/MAS/autres lieux d’hébergement vont, eux, avoir besoin de bras et de têtes pour faire face à la souffrance qu’ont généré le confinement et l’isolement chez les résidents, leur famille et leurs soignants.

Chaque institution accueillant un public en situation de fragilité a ses spécificités et ne sera pas épargner par les dégâts psychologiques que représente cette pandémie. Repérer et analyser les possibles besoins de soins psychiques pourront être un atout pour trouver un stage dans les mois à venir.

Et en tant que professionnel de la santé mentale, avoir un étudiant qui permet d’alimenter le moulin à penser les situations et à construire des outils : c’est bienvenu (surtout en période de sidération collective).

Lorsqu’une porte se ferme, il y en a une qui s’ouvre. Malheureusement, nous perdons tellement de temps à contempler la porter fermée, que nous voyons pas celle qui vient de s’ouvrir.

Alexander Graham Bell

Faites preuve d’imagination et cherchez votre plus-value pour la mettre en avant dès lors où un semblant de vie normale reprendra son cours. Ce sont là, les meilleurs conseils que je pourrais vous offrir…

Psychologiquement vôtre.



Ariane NG.